J'ai recu une séance de Trager

Hélène Flore Closset donne son témoignage pour la revue "MEDECINES DOUCES" (paru dans le n° 17 de la revue, en 1986) :
 

Je m'allonge en maillot de bain, sur la table de massage, plutôt curieuse et ravie qu'on s'occupe de moi pendant une heure. Habituée aux techniques corporelles: danse, massages, shiatsu, do-in, relaxation coréenne, training autogène, etc, j'aime bien les nouvelles expériences qui m'apportent un vécu corporel différent. Mario me recouvre d'un drap et m'enveloppe les pieds que j'ai un peu froids. Il s'assied derrière moi pour commencer par le cou et la nuque.
 

UNE PRESSION DOUCE

Mario me questionne sur mes points fragiles ou douloureux et me demande de lui signaler si je ressens des mouvements inconfortables ou même désagréables : Il reste un long moment sans rien faire ; cela me laisse le temps de me retrouver, de commencer à me détendre. Puis ses mains se posent sur mes épaules, il les repousse alternativement en rythme, régulièrement, sans à-coup, de sorte que ma tête roule doucement d'un côté à l'autre. Je sens une pression qui rayonne jusqu'au sternum et au cou, en éventail. Je suis surprise qu'une pression aussi légère réussisse à déplacer autant de choses : ma tête, mon bras et successivement chaque côté du buste. Je sens cette articulation de l'épaule un peu comme un noeud où se rejoignent des lignes venant de directions complètement différentes : clavicule, sternum, taille, humérus, omoplate, cou.

UNE PERCEPTION NOUVELLE

Le calme se fait et j'ai l'impression d'un nettoyage intérieur, et pourtant cela n'a pas duré longtemps, deux ou trois minutes au plus, mais toute la partie supérieure de mon corps me semble dépoussiérée et plus présente. Les mains de Mario remontent lentement le long des trapèzes, jusqu'à ma nuque. A-t-il senti un point délicat? De subtiles vibrations rayonnent de chaque côté. Prise par cette perception totalement nouvelle, faite de douceur et de moelleux, d'un endroit généralement fragile - je suis très sujette aux torticolis - je sens à peine la progression des mains vers la tête, mais elle se soulève en même temps qu'elle roule sur le côté, le menton vers l'épaule. Je ne saurais dire d'où vient l'impulsion, tellement ma tête me semble bouger d'elle-même.

 
LACHER PRISE

Pourtant, quelque chose me gêne, je supporte mal de perdre ainsi le contrôle. Oui, je veux contrôler, être présente. Au même moment, le mouvement se ralentit, se transforme en chuchotement, et comme un éclair fugitif, ma tête devient plus lourde dans la main de Mario. Je lâche prise. Une impression nouvelle s'installe alors. Ma tête est comme montée sur roulement à billes : de grands balancements sollicitent tout le cou jusqu'au sternum et à la pointe des épaules. Ce travail plus précis isole chaque vertèbre dans de subtiles rotations cadencées. Elle dodeline, roule, oscille merveilleusement et lorsqu'elle semble ne plus m'appartenir, de longues tractions la raccrochent à tout mon corps, jusqu'au bout des pieds. Ce nouveau ressenti plonge aussi dans mon dos, le long de la colonne vertébrale et je découvre le soulagement au niveau des reins.
Ne rien faire. Je n'essaie même plus de suivre ce qui se passe ou d'anticiper sur le mouvement à venir : je perçois la matière de mon cou, différente de ce que je percevais avant. Toute cette partie supérieure de mon corps me semble parfaitement équilibrée et vivante, tellement différente du reste de mon corps que je perçois à peine.

UN RELACHEMENT COMPLET

Un léger contact sur mon pied droit, ma jambe se soulève et je suis de nouveau balancée. Mon corps est étiré vers mon pied. Ma hanche est le point de départ de légères tractions qui rayonnent vers les deux épaules et se terminent par un hochement régulier de la tête. J'ai à peine le temps de réaliser cela, que mon mollet tapote doucement la table : les ondes se propagent comme des risées sur un lac et pénètrent profondément dans mon corps. Mon talon pivote rapidement dans la main de Mario. Le mouvement est ainsi imprimé à tous les os de ma jambe et les muscles de ma cuisse ballottent mollement. D'habitude, je ne les sens que lors d'efforts physiques : danse, tennis, courbatures après de longues marches, et là, ils ne dirigent plus le mouvement et sont complètement relâchés, mus de l'intérieur et emportés par leur propre poids. Cette sensation imprévue me ravit, et je souris en pensant que mes muscles rigolent !

 

UN LENT VA ET VIENT

Les mains remontent le long de ma jambe, mon pied s'agite, parfaitement libre. Puis le rythme se ralentit en s'amplifiant. Le contact se disperse autour du genou, les muscles de ma cuisse sont aspirés en même temps que la jambe roule. Lentement, cette fois, ils se gonflent, l'air circule à l'intérieur. Sans effort, à peine soutenue et pourtant si légère, ma jambe s'ouvre sur le côté, passe à la verticale et se referme en redescendant sur la table. Je cherche à comprendre, à contrôler.
Au deuxième grand cercle, je sens Mario installer un lent va-et-vient lors de la descente. Il s'est passé quelque chose. Mario s'arrête et me demande de ressentir la différence entre mes deux jambes. La jambe "neuve" est alignée, longue et me semble beaucoup plus haute que l'autre. Je la sens monter jusque dans mon dos. Je suis obligée de bouger l'autre pour en avoir la perception: elle pèse une tonne et elle est raide comme un bout de bois.
Mario retire le drap de mon buste ; une de ses mains se pose sur le bas des côtes, et l'autre, juste sous la clavicule, vers le creux de l'épaule. Ses deux mains me bercent mollement jouant avec la souplesse de ma cage thoracique. Ce mot de "cage" s'accompagnait pour moi d'une idée de raideur mais j'ai plutôt l'impression d'être transformée en accordéon. A travers ce rythme régulier, je perçois aussi de légers étirements qui ouvrent mon thorax dans toutes les directions; même mon épaule fait partie du jeu. Mon coeur s'accélère un peu lors des légères pressions sous la clavicule. Je respire plus vite, ma gorge se serre. Un énorme bâillement me mouille les yeux et oblige Mario à s'arrêter. Nous rions tous les deux de l'amplitude de cette réponse. Je me sens aussi plus libre, comme si quelque chose s'était dissous. J'enregistre une image qui passe très vite, celle de mes différents professeurs de danse, me répètant invariablement : "relâchez le cou, le haut du buste, vous ne respirez pas!" Les mains de Mario sont partout à la fois : elles ouvrent, allongent, assouplissent, elles dialoguent à travers le rythme et sculptent ce qui me paraissait bien rigide.

UN NOEUD QUI SE DETEND

Puis, elles descendent lentement vers le ventre, avec précaution et finesse. Les vibrations maintenues plus longtemps sur le plexus déclenchent des gargouillis semblables à des bulles qui remontent dans l'eau. Il est vrai que je suis souvent serrée à cet endroit et que ma respiration s'en trouve réduite. Cela se termine généralement par une barre à l'estomac et des ennuis de digestion. C'est un noeud qui se défait.
Cette détente diffuse à travers tous mes organes. Que touche-t-elle ? Quel stress accumulé-là se libère alors ? Je pleure doucement. Mario s'interrompt et me demande si je veux qu'il s'arrête ou qu'il continue. J'ai envie de rester un peu comme cela, de sentir ce calme et cette plénitude au fond de moi, d'accepter ces larmes comme j'ai laissé venir le sourire.

LA PAIX DU CORPS

Une grand paix règne en moi. Après un énorme soupir, je me sens mieux. Paresseusement, j'amorce un demi-tour en essayant de remuer le moins possible, pour garder cette sensation de pesanteur dans les membres. Sans que je m'en aperçoive, mon pied est soulevé, puis mon genou et tout mon corps va et vient mollement à partir de cette légère traction. Les mains chaudes de Mario enveloppent coup de pied et cheville, sans pression ; le grand balancement se transforme en courtes vibrations de la cuisse qui résonnent dans le mollet, les fesses et le bas du dos. Je n'ai plus la force de suivre ce qui se passe. La position allongée sur le ventre me rend plus difficile la représentation de mon corps en mouvement et je me sens plus encline à sombrer dans un océan de bien-être et de détente.
Je perçois mon bras explorer l'espace le long de la table puis mon épaule se mettre à exister à partir de gestes fermes et doux à la fois. Toutes les directions, les rotations, l'amplitude des ouvertures sont explorées, sans qu'aucune douleur ne vienne marquer la limite du mouvement. Cette épaule, souvent tendue, limitée, source d'inquiétude lors d'exercices d'assouplissement, devient complètement libre, ouverte, aisée, large, gonflée comme un flotteur.

 

UNE GRANDE DECOUVERTE

Je rejoins de nouveau le domaine des rêves où je perds la notion du temps qui passe. C'est mon propre grognement de plaisir qui me ramène à la réalité. Dans mon dos, des mains étirent, ouvrent, allongent. Mon bassin et mes jambes sont parfaitement mobiles, indépendants du reste du corps dont ils prolongent le mouvement, comme un écho le long d'une vallée.  Dans la grande marée qui me recouvre soudain, chaque partie du dos est travaillée isolément sans que le rythme ne s'interrompe, et tout mon corps participe et reçoit en même temps. Dans une dernière élongation de la colonne vertébrale, la vague me dépose en douceur. Mon dos est bon, vaste, vivant. Je l'ignorais, sauf quand il me faisait souffrir. En devenant le centre de mon corps, il me procure du plaisir et envoie des ondes qui rayonnent vers mes bras, ma nuque et mes jambes. Tout mon corps pétille et semble occuper un volume énorme.
J'entends la voix de Mario m'expliquer que tout ce bien-être est inscrit dans mon corps et dans mon esprit; ce moment m'appartient et je peux le retrouver quand je veux, simplement en prenant un moment de repos.

UN NOUVEAU BIEN-ETRE

Mario m'aide à me relever et fait quelques pas avec moi tout en soutenant légèrement ma tête afin que je garde cette longueur découverte sur la table. Je me sens effectivement très grande, avec des épaules incroyablement basses, aérienne et gonflée, bien stable sur mes pieds: je flotte en marchant. Il me montre alors des exercices ou plutôt une sorte de jeu à réaliser avec les bras, les jambes et tout le corps pour retrouver plus facilement l'expérience que j'ai vécue.
Cette séance m'a laissé un sentiment de confort corporel inconnu jusque-là. Détendez-vous! Je sais maintenant vers quoi, mon corps et mon esprit doivent se diriger pour un nouveau bien-être, sans concentration particulière, simplement en laissant venir ce qui est déjà quelque part en moi. Ce qu'il y a de différent dans ce travail, c'est finalement le mouvement doux et varié, imprimé aux différentes parties du corps, selon leur poids et leur mobilité, ce qui évite l'impression d'isolement que j'ai pu ressentir dans d'autres massages, et qui permet d'atteindre des zones inaccessibles par le seul contact.

LA QUALITE DU PRATICIEN

Un paradoxe aussi, la douceur de l'ensemble des manipulations et les effets profonds ressentis. La qualité du praticien me semble surtout résider dans sa capacité à trouver ce qui me convient, tant dans le rythme que dans l'intensité des tractions et pressions. La technique m'a semblé plutôt au service de l'écoute du praticien pour le patient, lui offrant toute une gamme de nuances, une opportunité de création sans fin, en fonction des difficultés rencontrées, et un très grand développement de sa sensibilité que j'ai ressentie personnellement dans le respect de mes moments délicats.

 Hélène Flore Closset
 dans "MEDECINES DOUCES" n° 17

 
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