L'Art du Toucher : Il est reconnu que le
Trager permet d'obtenir une très bonne détente. Comment expliquez-vous
cela ?
Elizabeth Ormyron : oui, la détente est la première
chose que l'on ressente lors d'une séance de Trager. Bien que nous
n'aimions pas parler de technique mais plutôt d'approche, car il
n'y a pas de geste précis que l'on peut exécuter systématiquement
pour obtenir un résultat donné, il existe des mouvements
de base qui favorisent cette détente. C'est par l'assouplissement
et la mobilisation des articulations, par des séries d'élongations,
de rotations, de vibrations et de mouvements ondulatoires que l'on peut
induire cet état de détente, cette impression de souplesse
et de non-tension. Le but est d'apporter au système nerveux et au
cerveau une nouvelle information qui est le ressenti de cette souplesse.
En fait, on joue avec la souplesse sur la tension. Dans l'approche Trager,
la souplesse enseigne à la tension, si l'on peut dire, comment les
choses pourraient être dans le corps. En principe, on commence la
séance par le cou car il y a énormément de choses
importantes qui passent par là. Le Dr Trager insiste beaucoup sur
cette détente du cou : tout ce que l'on arrive à dénouer,
à détendre à ce niveau-là, aura immédiatement
des répercussions sur l'ensemble du corps. Le nerf vague, qui induit
la détente dans le corps, passe par le cou. A ce stade, l'idée
est aussi de faire sentir à la personne son axe, son centre.
Après la nuque, on passe tout de suite aux pieds : c'est l'autre
extrémité de la colonne. Aussi bien la tête que les
pieds sont des étapes pour arriver au centre. Si quelqu'un a mal
au dos je ne vais pas commencer à travailler sur son dos, je vais
essayer, comme avec une pelote de laine, de dénouer les choses déjà
à l'extérieur et d'amener cette souplesse progressivement,
vers la partie qui fait mal, vers la partie qui pour la plupart des gens
est critique. Ensuite seulement je travaille sur les jambes, le ventre,
la poitrine, les épaules, le dos. Et pour finir, je retourne à
la nuque. Pour le praticien c'est intéressant : il peut sentir la
différence par rapport au début de la séance. Tout
s'ouvre, tout change ! C'est une belle récompense.
A-d-T : Et
une telle séance aura des effets à long terme?
E. O. : oui, et c'et cela qui est intéressant et qui
différencie l'approche Trager d'une simple relaxation. La relaxation,
c'est bien, ça vous aide à gérer le stress pour un
moment, mais si vous ne faites rien d'autre, après la séance
vous retombez très rapidement dans vos habitudes de tension, de
crispation, etc. A ce sujet, le Dr Trager rapporte souvent un fait qu'il
avait pu observer alors qu'il faisait un stage dans un hôpital d'Honolulu.
Un jour, un homme d'environ 75 ans fut interné pour une intervention
abdominale. Ce monsieur marchait de façon si raide que lorsque quelqu'un
l'a appelé, il a dû tourner tout son corps pour le regarder.
Il ne pouvait pas tourner seulement la tête. Pourtant, sous anesthésie
générale, il a fallu huit personnes pour le retourner, tellement
il était mou et flasque. Le Dr Trager devait le surveiller pendant
son réveil et il put constater comment son corps reprenait petit
à petit son schéma conscient de raideur. Et après
avoir été totalement relaxé pendant plusieurs heures,
il se retrouva aussi raide qu'avant. Pourquoi ? En fait, le Dr Trager observa
que les processus dégénératifs et le raidissement
n'intéressent pas que les tissus. Ils dépendent de toutes
les expériences négadves que la personne vit et qu'elle accumule
dans son corps. Ainsi, la raideur et la dégénérescence
s'enregistrent dans l'inconscient autant que dans les tissus. C'est là
qu'il faut agir et c'est le but de l'approche Trager qui permet, tout en
travaillant sur le corps, de changer les schémas dans le cerveau,
dans "1'ordinateur central". Une fois que le corps a ressenti quelque chose
de plus juste pour lui, il conserve l'empreinte de cette "vérité".
A chaque séance, il engrange davantage de ces "vérités"
qui seront une référence pour lui. C'est pourquoi on parle
d'intégration psychophysique, qui est bien plus qu'une simple relaxation.
A-d-T : oui, mais lors d'une simple relaxation,
j''imagine que le cerveau enregistre aussi la sensation de détente
?
E. O. : Certainement. Mais le Trager va plus loin pour deux raisons.
La première, c'est que l'on agit dans le mouvement. Ainsi, on apprend
à garder cette détente, cet état de non-tension, '
dans les gestes et les situations de la vie de tous les jours. En ce sens,
il s'agit d'ailleurs plus d'un apprentissage que d'un traitement. On apprend
au corps à fonctionner de façon optimum pour lui et cet apprentissage
va imprégner notre façon d'agir et permettre d'éliminer
ce qui est source de tension, de malaise, de problème. Par exemple,
on ne supportera plus d'être assis dans une position déplorable
durant deux heures en écoutant une conférence. Le corps lui
même va nous faire réaliser que cette position n'est pas très
confortable et nous allons en adopter une meilleure. Le ressenti positif
éprouvé durant la séance sur la table de massage va,
par contraste, nous faire prendre conscience du mal que nous sommes en
train de nous faire et nous inciter à changer cela.
La deuxième raison, c'est le travail effectué par la
pensée que nous associons au mouvement, ce que le Dr Trager appelle
"mentastique", et qui constitue le complément de la séance
sur la table. C'est un travail que chacun fait par lui-même et pour
lui-même et il est recommandé d'en faire un peu chaque jour.
La personne peut ainsi, par une série de mouvements effectués
en conscience, s'exercer à retrouver la détente et la souplesse
éprouvées sur la table, et même à l'augmenter.
Ce sont des mouvements de la vie quotidienne. Déjà sur la
table, d'ailleurs, on travaille certains mouvements que l'on effectue tous
les jours. C'est bien pour commencer, car la personne couchée échappe
à la pesanteur. Ensuite, par les "mentastiques", elle peut travailler
les mêmes mouvements, et d'autres, debout, en tâchant de conserver
sa souplesse avec tout le poids du corps. En s'entraînant ainsi régulièrement,
on peut vraiment améliorer beaucoup de choses et transformer pour
le mieux sa manière de se mouvoir et d'agir dans le quotidien. Et
c'est cela qui est important. Le Dr Trager insiste beaucoup là-dessus
: ce qu'il veut apporter, c'est un mieux-être quotidien, vécu
dans la vie de tous les jours, et non seulement à quelques moments
privilégiés sur une table de massage, même si les séances
sont évidemment nécessaires pour commencer.
A-d-T oui, le rôle du praticien
est sans doute capital. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
E. O. : D'abord, le praticien vous permet de ressentir quelque
chose de nouveau. Il vous amène à un point de bien-être
et de détente que le corps ne peut atteindre de lui-même.
Les tensions sont trop enracinées, les habitudes musculaires, nerveuses,
trop fortes. Pour réaliser cla, le praticien utilise les mouvements
de base de l'approche Trager, mouvements qu'il peut adapter à chaque
cas. Il utilise aussi autre chose : sa présence. Avant la séance,
le praticien se prépare, il se met en condition optimum de détente,
de centrage. Le simple fait d'être dans cet état à
côté de son patient agit. Il s'établit spontanément
un contact à un niveau profond, subconscient, entre le praticien
et le patient. Et ce dernier capte le message de cette présence
détendue qui automatiquement favorise le même état
chez lui.
Sur un plan plus conscient, le praticien travaille par la pensée
sur le corps du patient. Il lui parle, lui suggère, l'invite...
Il envoie des messages aux muscles contractés, aux tissus endommagés.
Il entre en contact avec son patient. Il perçoit, éventuellement,
la cause psychique du trouble, de la tension. Il cherche à provoquer
l'ouverture, la libération, le nettoyage des anciennes blessures.
Il accueille, le cas échéant, les émotions refoulées,
les pleurs, les rires aussi ! Tout cela est très lié au corps.
Le Dr Trager l'exprimait ainsi : "Je suis convaincu que pour chaque
mauvais fonctionnement physique il y a une contrepartie psychique dans
l'inconscient. Le changement du comportement est possible à cause
de l'intime association neurologique entre les stimulations sensorielles,
les émotions, les attitudes, les concepts et les réponses
motrices du corps à tout cela".
L'approche Trager agit à ce niveau-là dans le subconscient,
et permet de remplacer les vieux programmes négatifs et restrictifs
inscrits dans les profondeurs de l'être, dans le corps, par des sensations
positives et épanouissantes. C'est ainsi que s'expliquent, probablement,
les guérisons spectaculaires obtenues par le Dr Trager.
d'après les propos recueillis par Olivier Stauffer
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